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Mise en ligne le : 21 avril 2011 | Intervieweur :
Matai
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Interview réalisée par Florent Jannier : Chanteur Guitariste du groupe. 1. Salut Arkan, merci du temps que vous consacrerez pour cette interview, tout d’abord comment allez vous ? Florent : Très bien, merci. On est impatient que « Salam » sorte pour pouvoir partager notre dernière réalisation avec tout le monde. Nous avons mis beaucoup d'énergie dans cet album et nous sommes donc fiers de pouvoir le faire découvrir. Chaque album est un peu comme un enfant : on lui donne vie et puis vient le jour où il doit voler de ses propres ailes. 2. En forme après votre séance d’enregistrement pour votre nouvel album ? Comment ça s’est passé d’ailleurs ? Oui en forme maintenant car l'enregistrement a eu lieu en novembre mais il est vrai que toutes les phases de l’album nous ont usées. Pour la production de « Salam », nous avons de nouveau fait appel à Fredrik Nordtröm (Studio Fredman). Et oui, on ne change pas une équipe qui gagne ! Nous apprécions vraiment son professionnalisme, son perfectionnisme mais également sa disponibilité et son ouverture d'esprit. Lui et Henrik Udd, son assistant, ont fourni un boulot monstrueux pour faire sonner « Salam » comme nous l'entendions. En effet, sur ce deuxième album nous désirions un son plus acoustique et plus personnel. Le travail qu’il avait accompli sur certains albums d’Opeth était pour nous une référence. Lorsque nous en avons parlé avec lui, il s’est laissé convaincre par notre projet. Fredman a parfaitement compris nos attentes et nous avons vraiment été bluffés par son adaptabilité. L'ambiance au studio était plutôt studieuse (contraintes de temps obligent) mais une fois la journée passée, Fredrik n'était jamais avare de bonnes blagues bien graveleuses dont il a le secret. Le son obtenu correspond exactement au but que l’on s’était fixé en terme de puissance et de précision, tant dans les prises, le mix ou le mastering. Le son de « Salam » est proche de la perfection. 3. Pouvez-vous présenter votre album « Salam » en quelques phrases ? « Salam » est le reflet de l'évolution artistique du groupe amorcée par « Burning Flesh ». Cet album est donc plus mélodique et une place plus importante a été accordée aux ambiances et harmonies orientales. Il y a une vraie évolution entre tous nos opus de BF, à « Salam» en passant par « Hilal ». Nos compositions évoluent avec les années tout en suivant le même fil conducteur. Côté paroles, nous nous sommes inspirés de l’actualité, les conflits géopolitiques et la mésentente entre les peuples qui pourtant sont supposés êtres frères. Notre tournée effectuée en 2010 avec Orphaned Land dans le cadre du « Tour Against Racism », nous a conduit naturellement dans cette direction avec cette notion de tolérance, de respect, voire de fraternité. C’est tout ce qui se cache sous ce titre « Salam » / Paix. 4. Un changement de line up a eu lieu (apparemment selon certain sites) pour cet album, pensez vous qu’il ait été conséquent ? En effet, Abder a dû quitter le groupe et cela ne s'est pas fait sans un pincement au cœur. Cette décision fût une décision personnelle, que nous respectons. Nous avons vécu une formidable aventure avec lui mais la vie nous fait prendre des chemins différents. En tout cas nous lui souhaitons de trouver sa voie. Son départ n’a suscité qu’un réajustement technique, puisque maintenant je suis chanteur guitariste rythmique et l’intégration totale de Sarah Layssac au chant. 5. Le chant de Sarah Layssac est beaucoup plus mis en avant sur « Salam », elle est d’ailleurs à l’honneur sur un paquet de morceau, que vouliez vous accentuer par sa présence ? Effectivement, sur le plan de la voix claire, il y a eu beaucoup de changements depuis « Hilal » et, à plus forte raison, depuis « Burning Flesh ». Le rôle de Sarah s'est donc considérablement accru. Son intégration dans la musique d'Arkan s’est déroulée en deux temps. Dans un premier temps, elle est apparue comme guest dans notre premier opus. Ces lignes de chant étaient aux antipodes de son travail dans The Outburst car nous voulions qu’elle intervienne à contre-emploi. Le résultat s’est avéré remarquable. Ses lignes de chant étaient alors une invitation au voyage vers des contrées aux saveurs des mille et une nuits. Puis c’est avec le départ d’Abder lors de la phase finale de l’enregistrement de “Salam” que les choses se sont accélérées. Sarah devait remplacer au pied levé toutes les parties déjà enregistrées et elle l’a fait avec talent. De par son inspiration et sa maitrise technique, Sarah s’est naturellement fondue dans la réalisation de ce dernier opus. Nous voulions d’une part réitérer l’aventure humaine du premier album mais surtout la développer pour en faire un élément aussi central que le oud, la guitare ou la batterie. Sarah a su relever ce défi en y ajoutant l’émotion que lui inspirent ses origines. 6. En duo avec le chanteur, ça me fait vraiment penser à Shlomit Levy et Kobi Farhi d’Orphaned Land, qu’en pensez-vous ? Arkan a toujours voulu jouer sur les contrastes musicaux tant instrumentaux (passages Metal/passages acoustiques) que vocaux (chant saturé/chant clair). Notre musique est à la base un mélange : du oud et de la guitare saturée, de la derbouka et de la batterie. On veut prouver ainsi que des choses qui peuvent sembler opposées à la base peuvent très bien se marier ensemble et former un tout homogène et cohérent. Notre musique est donc un mix d’agressivité et de plénitude, des sentiments contradictoires qui habitent tout être humain et qui créent un équilibre incertain qu’il faut maintenir afin de garder les pieds sur terre. Par ailleurs, il nous fallait pousser plus loin le concept de « Hilal » qui était ambitieux tant par ses objectifs que par ses moyens. « Salam » enfonce un clou, déjà planté par « Hilal » : la musique n’a aucune frontière et la fusion de styles et de vocaux antinomiques l’enrichit pour la sublimer. 7. Êtes-vous d’ailleurs influencés par ce groupe ? On sent que vous vous êtes quelque peu inspirés de plusieurs propriétés de ce groupe, notamment les chants, mais aussi les instruments, les ambiances, la thématique… Tout comme Orphaned Land, nous puisons dans les origines orientales des musiciens du groupe la source de notre inspiration. Le côté oriental s’en ressent donc et le parallèle n’en est que plus évident. Il y a si peu de groupes qui intègrent ce type de sonorités dans leur musique et, Orphaned Land étant précurseur en la matière, l’association est naturelle. Néanmoins, nous sommes plus inspirés par le Métal Européen pour toutes les parties électriques et par la musique d’Afrique du Nord et d’Andalousie pour les parties acoustiques. Dans tous les cas, la comparaison avec ce groupe nous touche tant pour le respect que nous inspire leur carrière que par l’amitié qu’on leur porte. 8. Comment s’est passé, justement, le duo avec Kobi Fahri ? Comment cela s’est-il décidé ? Lors de la tournée avec Orphaned Land en mai 2010, nous avons pris tellement de plaisir sur scène, que Foued souhaitait qu’on fasse perdurer cette expérience et que nous la posions sur un support physique. Le meilleur moyen de le faire était de faire un guest ensemble. Il s’avère que lors du processus de composition de « Salam » nous avons contacté Kobi pour lui proposer de chanter sur la chanson symbolique « Deus Vult ». Il a tout de suite été emballé. On lui a envoyé la maquette de la chanson et les paroles. Le titre de ce morceau signifie en latin « Dieu le Veut », et c’était une expression scandée par les croisés lors de la prise de Jérusalem. En arabe cette expression est usuelle et est également forte de sens : « Inch Allah ». L’intervention de Kobi, tant en hébreux qu’en arabe sur un titre aussi symbolique est aussi forte de sens que sublime musicalement. Il s’est approprié l’esprit de l’album au point qu’à lui seul ce titre est la matérialisation de la notion de paix que symbolise « Salam ». On a convenu ensemble de ses parties. Le résultat qu’il a enregistré à Tel Aviv est encore plus beau que ce que nous souhaitions. Le titre commence d’ailleurs avec de l’Hébreux puis un appel à la prière musulman. C’est un fantastique cadeau fait aux fans d’Arkan et d’Orphaned Land. 9. L’ensemble est vraiment arabisant, chaleureux, et vous mettez beaucoup l’accent sur les parties Folk avec tous ces instruments orientaux, davantage que sur « Hilal », comment ça s’est passé de ce côté-là ? Nous avons en effet beaucoup travaillé sur l'intégration des passages orientaux au sein des passages Metal. Nous voulions vraiment que l'alchimie se fasse sans que l'auditeur se pose la question de savoir si tel ou tel passage est plus metal qu'oriental ou vice et versa. La majorité des musiciens a grandi avec des artistes typiques d’Afrique du Nord. Cette musique fait partie intégrante du capital musical d’ « ARKAN ». En fait cette musique qui influence nos compositions est aussi vaste que l’est celle de nos influences Metal. Pour « Salam », c’est d’ailleurs Mus qui a assuré toutes les parties instrumentales orientales. 10. « Salam » parait moins brutal que « Hilal », mais plus porté sur la mélodie, les ambiances, et surtout, l’émotion…qu’en pensez-vous ? Nous n’avons jamais réfléchi à l’orientation musicale d’un album en termes de violence ou de mélodie. Depuis notre MCD, notre démarche n’a consisté qu’à incorporer de manière plus prononcée nos influences orientales au gré de nos albums. « Salam » poursuit donc l’objectif initié par « Burning Flesh ». En revanche, c’est notre manière de composer qui a changé. « Hilal » est un album d’abord Métal « enrichi» de musique orientale et comme ses compositions étaient essentiellement Métal, les ambiances orientales se sont intégrées de manière distincte par rapport aux parties électriques. Dans le cas de « Salam » c’est l’inverse, on a commencé par composer les lignes orientales que nous avons suivies comme un fil rouge à la composition et c’est à partir de cette base mélodique acoustique que nous avons ajouté les différentes ambiances. Les parties agressives répondent aux parties mélodiques et le Métal n’est plus un prétexte mais un moyen de communication. 11. La cover a été réalisée par Evil Campbell : pouvez vous nous en parler ? EvilCampbell est notre graphiste depuis « Hilal ». Sur ce premier album, c’est l’entité même d’Arkan que nous avions tenté de mettre en avant, avec une pochette aux codes couleurs marqués et l’aspect soigné et épuré. Son travail d’artiste ne s’est réellement révélé que sur « Salam » où nous souhaitions que le concept de paix soit imagé. Nous lui avons donné carte blanche pour la réalisation. Il a travaillé pendant que nous étions en studio pour l’enregistrement de « Salam » et nous a envoyé sa proposition deux jours avant le départ pour la France. Nous avons tout de suite été séduits par l’aspect tant graphique que symbolique. Sur le plan graphique on y voit une femme nue entourée par un Serpent. La parabole du fruit défendu est ici mise en avant avec Eve et le Serpent. Eve représentant la paix et le Serpent les démons qui l’empêchent de s’épanouir. « Salam », qui signifie paix en arabe, est représenté par la pureté d’une femme, belle et fragile en proie aux menaces de l'intolérance et de la guerre, représentées ici par le serpent. Symboliquement, l’Ancien Testament est le livre Saint commun aux trois grandes religions monothéistes. En ce sens, l’apport en symbole de la cover est à la hauteur du message que nous souhaitions délivrer. Tant sur le travail de recherche que sur le résultat esthétique, nous sommes très heureux de cette nouvelle collaboration avec Evilcampbell. 12. Que pensez vous avoir apporté de plus par rapport à « Hilal » ? « Hilal » est un condensé de tout ce que nous aimons, écoutons et voulions dire à l’époque. Cet album dure d’ailleurs 60 minutes. « Salam » est plus concentré, il ne dure que 45 minutes. Il est donc peut être moins abordable. Mais plus on l’écoute plus on le découvre, plus on le comprend. Si « Hilal » était une invitation au voyage, « Salam » mène l’auditeur plus loin. Un voyage dont il ne reviendra pas indemne. Avec des structures plus progressives, il est certainement difficile de l’aborder dans son entier dès la première écoute. Il nécessite plus d’écoute. Pour ceux qui ont visité Marrakech par exemple, ils savent qu’on n’a rien vu tant qu’on y est pas allé dix à quinze fois, même si on peut faire le tour de la ville en quarante cinq minutes. 13. Quel est votre morceau préféré ? En fait chaque membre du groupe a son morceau préféré. Foued a un faible pour le titre éponyme, pour lui, les différentes composantes de « Salam » en font le morceau à la fois le plus riche et aussi le plus intense. Samir est fan de « Sweet Opium » qui est relativement direct bien que très surprenant rythmiquement. Mus ne jure que par « Innerslaves » qui est un reflet de l’aspect très progressif de notre musique, très difficile d’accès puisqu’il perd l’auditeur entre les différentes rues d’une Médina algérienne. Sarah c’est évidemment pour « Jerusalem » qu’elle craque. La place accordée à la mélancolie, à l’humilité lui permet d’exprimer tout son talent. Elle est incroyablement touchante sur ce titre. Enfin moi qui suit plus traditionnel dans mon approche musicale, j’adore l’efficacité sans bavure du morceau d’ouverture de l’album : « Origins ». 14. Avez le recul, êtes vous satisfaits de « Hilal » ? Et de « Salam », finalement ? Oui, nous sommes très satisfaits de nos réalisations. Chaque album répond à un objectif différent. « Hilal » avait pour but de montrer ce dont était capable Arkan. Personne ne nous attendait à cette époque et il fallait alors attirer l'attention tant sur nos qualités de compositeurs que d'interprètes. En cela, « Hilal » a pleinement joué son rôle puisqu'il nous a permis de signer chez Season of Mist et a reçu un très bon accueil dans la presse si l'on en juge par les nombreuses chroniques parues à l'époque. Concernant Salam, il est encore trop tôt pour avoir du recul sur cet album puisqu'il ne sortira que le 18 avril. Dans tous les cas, nous sommes très fiers de cet album qui représente pour « Arkan » une nouvelle étape et un nouvel échelon gravi. Par ailleurs, les premiers échos dans la presse sont très bons et surpassent même ceux d'Hilal. 15. Si vous pouviez décrire votre album en un mot, lequel serait-il et pourquoi ? Il est très dur de synthétiser un album en un seul terme mais si « Salam » devait en être résumé ainsi, alors nous choisirions simplement le nom de cet album, ce terme signifiant « paix » en arabe. Un terme court, mais qui a beaucoup de sens. Une vie entière peut être consacrée à sa recherche et une fraction de seconde peut l’anéantir à tout jamais. 16. Avez-vous des projets à venir ? En ce qui concerne « Salam », je crois pouvoir dire que le plus dur est derrière nous. Nous venons de monter sur la scène mythique du Bataclan en ouverture de Paradise Lost où nous avons pu faire découvrir aux parisiens quelques morceaux du nouvel album. Aujourd’hui nous nous concentrons sur les dates de concerts que nous espérons nombreuses. Et si tout se déroule bien, nous devrions partir en tournée à la fin de l’année. 17. L’Oriental Metal est finalement assez marginalisé et peu de groupe le pratique, à votre avis pourquoi ? Il est vrai que ce style est encore assez marginal en Europe. Il est plus présent dans les pays arabes d’où il est originaire. Des groupes percent nos frontières musicales mais ce n’est que la face visible de l’Iceberg. Pour des raisons de moyens essentiellement nous n’en entendons pas encore parlé, mais la démocratisation des moyens de communication et d’enregistrement nous réserve de très bonnes surprises, j’en suis convaincu. Charge à vous, les médias, de le relayer pour permettre à ces groupes d’exister en dehors de leur pays. 18. Que pensez vous de la scène Metal française ? Pensez vous que vous apportez quelque chose à cette scène ? Personnellement, je mise beaucoup sur votre futur, surtout si vous faites le même parcours ou presque qu’Orphaned Land… Pendant longtemps, la scène Métal française a souffert d'une mauvaise image à l'étranger. Heureusement, les choses ont beaucoup changé depuis grâce à des formations passées comme Scarve ou The Old Dead Tree qui ont beaucoup fait pour la scène Métal ou des groupes actuels comme Gojira, Dagoba ou Hacride. Le niveau des groupes français est en train d’évoluer de manière exponentielle et les nombreux musiciens français qui jouent dans des groupes mainstream en sont la preuve. Parallèlement les difficultés rencontrées par l’industrie du disque compliquent la médiatisation en France et à l’étranger de tous ces groupes. Ce qu’il faut espérer c’est que les mutations technologiques permettent un accès plus simple, et une médiatisation plus grande de tous ces très bons groupes. Pour Arkan, notre appartenance musicale au Métal français est une évidence et c’est en partie en partant du constat qu’il n’y avait pas de Brujeria français, qu’Arkan a vu le jour. Notre souhait c’est de pouvoir défendre fièrement les couleurs de la France à l’étranger. Et aux vues des nombreuses chroniques étrangères, il semble que nous soyons sur la bonne voie. 19. Merci beaucoup pour cette interview, si vous avez quelque chose à dire, la parole est à vous… Merci pour cette interview et que « Salam » soit avec vous. |
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