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MHONOS |
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Mise en ligne le : 25 septembre 2010 | Intervieweur :
Matai
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1. Pouvez-vous vous présenter ? D’où venez-vous ? Mhönos a été créé « dans ma tête » durant l’année 2009 et concrétisé durant 2009 / 2010, après que le concept eut été bien pensé et planifié. Le projet était, à l’époque, unipersonnel, et j’ai endossé l’intégralité de la composition et de l’enregistrement de l’album Miserere Nostri, mais suite à la sortie de l’album, des propositions de concerts me sont parvenues. J’ai sollicité plusieurs amis musiciens de ma ville, et Mhönos est donc désormais une vraie formation apte aux concerts, composée de moi-même au poste de bassiste/chanteur/claviériste, de deux ou trois autres bassistes et de deux percussionnistes. La géométrie de la formation peut évoluer selon les concerts et les disponibilités de chacun. Géographiquement, Mhönos peut donc être considérée comme une formation normande, car nous habitons tous à Rouen ou dans les alentours. 2. Pouvez-vous présenter votre album, « Miserere Nostri » ? De quoi parle-t-il ? Où et comment s’est déroulé l’enregistrement ? L’album Miserere Nostri est fait d’une unique chanson qui dure environ 45mns, segmentée en quatre pistes qui s’enchaînent sans coupure afin de faciliter les écoutes répétées du disque. Le concept d cette unique chanson est le placebo, au sens strict et religieux du terme. En effet, Placebo signifie en latin "je plairai", et le sens premier de ce mot renvoie à un comportement factice qui consiste à renvoyer une image erronée de soit afin de devenir ce reflet fallacieux. Ce comportement est symptomatique de notre monde et de notre société occidentale actuelle. Je suis très solitaire, et le texte de la chanson vante les vertus du retirement, face à la pression de la population et de la grégarité. L’enregistrement s’est déroulé dans une petite chapelle normande, mais je n’ai été autorisé qu’à condition de ne pas révéler l’endroit précis, car les occupants ne veulent pas être dérangés. Les prochains enregistrements y auront probablement lieu, l’acoustique du site étant exceptionnelle. J’ai enregistré l’album avec mon propre matériel, puis mixé les prises chez moi. Un mastering a ensuite été effectué aux studios PostGhost Recording, à côté de Rouen, par Julien Bous, responsable des lieux. Son talent et ses idées ont énormément apporté à l’ambiance générale du disque. 3. Quelles sont vos principales influences ? Mes influences sont diverses. Elles sont à chercher du côté des musiques hypnotiques, oniriques et transcendantales. Il y a dans ma musique des éléments puisés dans le black metal, surtout chez Burzum et Leviathan, dans le drone avec Sunn O)) ou encore Earth, dans des projets insensés comme Abruptum, dans les chants grégoriens, orthodoxes et tibétains et dans les musiques chamanistiques sibériennes, mongoles et inuits. 4. Que pensez-vous de la scène Drone en général ? Le drone est un genre encore plus minimaliste et inaccessible que le funeral doom. La scène figure donc parmi les plus restreintes. La liberté de composition, de par ces facettes, est donc totale. Des groupes comme Prön Flavurdik, Sunn O))), Monarch ou encore Boris vont très loin dans l’expérimentation. Le drone est un genre déconsidéré et rejeté, et c’est tant mieux, car cela créé un microcosme de passionnés qui se permettent toutes les folies germant dans nos esprits tordus. La musique drone ou définie comme telle ne se limite d’ailleurs pas au seul drone doom, des artistes comme Double léopard ou La Monte Young proposent des musiques géniales, dans un autre registre beaucoup plus savant et influence par les musiques minimalistes et contemporaines. 5. Le Drone est un style plutôt méconnu, avec votre album, pensez vous faire en découvrir d’autres horizons ? Je ne prétends pas à faire découvrir de nouveaux horizons, mais à faire admirer des paysages qui laissent derrière eux une odeur de cimetière et une froideur arctique, à laisser un silence interminable après l’écoute, à faire ressentir ce que l’on peut éprouver en lisant des auteurs comme Beaudelaire, Poe ou De Nerval, à éprouver ce que je ressens quand je suis plongé dans la plèbe. 6. Votre musique est très sombre, décharnée et mécanique, est-ce votre marque de fabrique ou est-ce que vous l’empruntez à d’autres groupes ? Dans ce cas parlez nous de vos influences ? La marque de fabrique de Mhönos, c’est avant tout l’utilisation quasi exclusive de la basse. Des basses électriques frettées, fretless, 4 cordes, 6 cordes et une basse électro-acoustique sont utilisées pour enregistrer, mais la guitare et la batterie sont absentes. Le groupe compte désormais trois percussionnistes en son sein, mais ils ne sont pas intervenus sur Miserere Nostri. Pour obtenir un son « d’outre-tombe », les pistes de basse ont été quadruplées, et seuls les chants et le synthétiseur les accompagnent sur le disque. La musique est décharnée, presque ascétique, car elle reflète ma vision du monde et de la vie. Je suis contre les débauches de publicités, de gadgets, de consommations, et autres perversions de notre monde. Miserere Nostri peut être considéré comme une bande son qui accompagnerait une cohorte de flagellants. Ces sonorités ont été en partie inspirées par ce projet formidable qu’est Abruptum, une de mes principales influences. La musique d'Abruptum est très difficile à qualifier, et bien que les premières démos évoluent dans un black metal lent et malsain, le groupe a abandonné sur les albums les notions de structure musicale et de mélodie pour arriver une véritable folie sonore qui combine la lourdeur du drone et les facettes les plus malsaines du black metal. L’utilisation exclusive de la basse en lieu et place de la guitare joue également beaucoup dans l’obtention de ces sonorités sépulcrales. 7. Votre album est décidément plein de paradoxes : laid et beau, ténébreux et lumineux, écrasant et planant à la fois…êtes vous d’accord avec cette description ? Avez-vous d’autres termes à ajouter et pourquoi ? Je suis complètement d’accord avec cette description. Ces ambiances sont celles que j’ai cherché à développer car s’attaquer à la composition d’une pièce musicale de plus de 40mn n’est pas une chose aisée. Un effet de bourdon est réalisé par un son soutenu ou par la répétition d'une note et établit une tonalité sur laquelle tout le reste de la pièce est construite. L’intensité devait donc varier pour réserver de la surprise à l’auditeur et donner du relief à la chanson, tout en conservant l’atmosphère oppressante qui prime tut au long du disque. La musique devait également suivre le texte avec cohérence. Les paradoxes sont accentués avec l’utilisation des effets. Pour les parties très lourdes, j’ai quadruplé les parties de basse saturée, et j’ai utilisé une overdrive, une distortion et une fuzz branchées en série pour chaque prise de bassesaturée. Les parties claires sont très épurées, enregistrées presque sans aucun effet, à l’exception d’un chorus ou d’un delai toujours très légèrement dosés. Il en va de même pour les chants, dont la superposition atteint parfois huit couches. Ces techniques permettent de contraster fortement la musique, en passant d’un son de basse très infernal et métallique au plus pur des sons clairs, en passant d’une superposition de voix déchaînées à une mélodie presqu’indigente, etc. Le mélange des bourdons directement inspirés des vieux groupes de black metal et des parties constituées d’accords lourds et plaqués typiques du drone créée également de forts contrastes. J’ai beaucoup travaillé le son du synthétiseur, et j’ai d’ailleurs eu beaucoup de mal à me procurer un synthétiseur qui offrait la possibilité d’utiliser les sons typiques du black metal des années 1990. J’ai dû l’acheter d’occasion après une longue recherche, mais son utilisation s’avérait indispensable. A un niveau plus personnel, j’ai aussi composé l’album à un moment ou pour moi, psychologiquement, tout était en désordre. Miserere Nostri est aussi, en quelque sorte, la bande son de des paysages déformés de mon être intérieur, une sorte d’exutoire. 8. Comment pouvons nous interpréter la fin de votre album avec le titre « Communio » et ce son de cloche ? La « communio » désigne un chant psalmodié pendant la procession qui clôt une messe, la plupart du temps choisi à cause d'une allusion eucharistique. La fin de la partie « Communio » représente donc le point d’orgue du disque, l’ultime reprise du thème principal, ainsi que le moment qui clôt la cérémonie pesante qu’est Miserere Nostri. Les uns après les autres, les éléments quittent la chanson. Le synthétiseur s’éclipse, puis la moitié des basses, la moitié des voix, et enfin la totalité des voix et des basses, pour ne laisser raisonner que les cloches, qui sonnent le glas de cette sombre cérémonie et invitent les auditeurs à sortir du chaos créé par l’album pour retrouver la lumière du jour. La cloche est l'un des plus vieux instruments sonores que nous connaissions (les plus vieilles cloches métalliques que nous connaissions remontent à l'âge du bronze). Le symbolisme de la cloche est lié à la perception du son, elle symbolise l'ouïe et ce qu'elle perçoit, le son, reflet de la vibration primordiale, et le bruit des cloches a universellement un pouvoir d'exorcisme et de purification. J’ai voulu jouer sur cet aspect transcendantal et organique du son de la cloche pour clore le disque, inspiré en cela par une géniale formation rouennaise, Rosa Crux, qui utilise les carillons de manière fort étonnante. 9. Avez-vous des projets futurs ? Au niveau de la scène, le groupé élabore une représentation qui sera caractérisée par un côté visuel très marque, qui appuiera la lourdeur et la noirceur de la musique. Depuis la sortie anglaise de l’album chez Doomanoïd Records, j’ai reçu plusieurs propositions de concert intéressantes. Pour l’instant, nous n’allons jouer qu’à Paris et à Rouen, car les autres propositions reçues n’étaient pas honnêtes ou manquaient de clarté. De nouveaux enregistrements devraient rapidement voir le jour, car j’ai composé énormément de musique. J’ai déjà maquette la musique d’un nouvel album et d’un futur split 33t, mais les conditions d’enregistrement seront différentes. J’ai enregistré Miserere Nostri seul, mais j’ai depuis renouvelé une partie du parc de matériel de mon petit studio mobile, et grâce à cela, tous les futurs enregistrements seront capturés en live avec la formation complète du groupe, d’une traite et sans aucune retouche. J’espère ainsi retranscrire le côté organique et palpable des exécutions des chansons en live. Je vais également essayer d’incorporer des instruments à bourdon traditionnels dans ma musique 10. Si vous avez quelque chose à dire la parole est à vous … Je vous remercie sincèrement pour l’intérêt que vous avez porté à l’album Miserere Nostri et pour le temps passé à élaborer la chronique et l’interview. J’invite tous les auditeurs intéressés à se rendre régulièrement sur la page Myspace du groupe pour être au courant des actualités musicales et scéniques. Merci, une fois de plus. S.G. |
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