Interview avec Omnio (Guitare rythmique, vocaux), Uruk-Xul (Batterie, Keyboards), Jey (Guitares/solo), Sebh (Basse) :


Pouvez-vous présenter votre groupe, le line up actuel. D’où venez-vous ?

Omnio : Chryseis a initialement été fondé en 1996 à Montluçon par Uruk et moi, qui sommes amis depuis le collège, après avoir quitté nos groupes respectifs Cyanid et Maelstrom. Nous oeuvrions au départ dans un genre musical que l’on pourrait qualifier de «Dark métal atmosphérique et progressif » avec un chanteur Sebastien (Eithwaz) et une claviériste Magali. Progressivement nous nous sommes retrouvés à deux car nous avions une idée bien précise de la manière dont Chryseis devait évoluer et cela devenait frustrant pour les autres musiciens. C’est dans cette configuration de duo et avec l’aide ponctuelle d’amis musiciens en studio qu’ont été enregistrés notre 3e démo lp Astronomicon en 2001 ainsi que notre premier album autoproduit « Presence of the Past » en 2007 qui constitue le premier chapitre des Chroniques de Gaia.

Uruk-Xul : Après ce premier album nous avons décidé de nous mettre en quête de musiciens à part entière intégrés au processus de composition afin de soulager notre charge de travail et nous permettre d’aller plus loin. Je connais Jey depuis 10 ans maintenant, on s’était rencontrés alors qu’il tenait un magasin de disques et fringues de métal /goth à Nice où je vivais alors. Je savais qu’il était très bon guitariste pour l’avoir vu plusieurs fois en répét avec ses précédents groupes et j’avais surtout constaté qu’il était sous-employé notamment par rapport à son potentiel créatif et la variété de son jeu. Le moment venu nous lui avons proposé d’intégrer C.H.R.Y.S.E.I.S sachant que cela collerait humainement parlant. Quant à Sebh le cadet du groupe je n’ai aucun mérite ce n’est pas moi qui l’ai trouvé, je me suis contenté de le débaucher de Superjazz, projet trio instrumental et expérimental « death jazz » initié par le guitariste Michel Menuelle et dans lequel j’officie derrière les fûts. Les bons bassistes sont une denrée rare dans le style que nous pratiquons : écoutez son jeu, il parle de lui-même. Je suis heureux qu’ils aient tous deux accepté de nous rejoindre dans cette aventure.


Votre album semble détenir un concept assez futuriste, notamment au niveau de la pochette mais aussi des paroles et de la musique. Pouvez-vous en dire plus ?

Uruk-Xul : Après Astronomicon en 2001 et pour marquer la rupture, Chryseis est devenu C.H.R.Y.S.E.I.S. Consortium of Human Resistance from Yuggoth for the Search and Exploration of Irregular Systems. Nous avons imaginé une fiction « Les Chroniques de Gaia » dans laquelle des personnages et situations décris dans les textes évoluent sur fond de mythologie de Lovecraft mais transposée dans un futur assez proche estimé à une vingtaine d’année délai que nous estimions crédible (compte tenu de l’évolution exponentielle des avancées scientifiques et progrès techniques) pour planter le décor apocalyptique de l’histoire… Lovecraft a imaginé une cosmogonie très complète qui stimule l’imaginaire collectif et sur laquelle il est aisé de s’appuyer.
L’univers de C.H.R.Y.S.E.I.S. se situe dans l’horror- SF dont nous sommes tous les quatre fans, ça n’est pas Star Wars, c’est plutôt Event Horizon! Ajoutez à celà une fascination pour les civilisations précolombiennes Aztèque, Maya et Inca. Quant à l’artwork, nous étions à la recherche d’un dessinateur dont le coup de crayon et l’univers correspondrait au nôtre (sombre et qui sent le souffre, avec une ouverture sur la science fiction) en vain. J’ai baigné dans l'imaginaire BD des Humanoides Associés (pré ado j’en avais trouvé un carton dont quelqu’un s’était débarrassé dans la rue, ce « trésor » a changé ma vie), Metal Hurlant, des dessinateurs comme Liberatore avec sa saga "Ranx", Jodorowski, Jean Giraud, Richard Corben, Jean Pierre Dionnet, Robert Laloux... et j’ai eu une révélation en découvrant par hasard sur le net le travail de Johann «Y » Bodin notre illustrateur. Nous lui avons fourni une liste d’éléments que nous souhaitions voir apparaître dans la cover (notamment la pyramide Maya ou encore notre vaisseau fantôme le CRY.S.E.O) et nous avons laissé faire l’artiste. Nous le considérons un peu comme le 5e membre du groupe…


Comment décririez-vous votre musique justement ?

Omnio: Pour faire court je dirai du Thrash-Death metal Progressif. C.H.R.Y.S.E.I.S. sonne en effet trop Death metal pour les amateurs de metal prog et notre musique est trop progressive et subtile pour plaire aux amateur de pur Death metal. Nous ne pouvons définitivement pas être rattachés à la scène mélodic-Death qui ne nous correspond pas du tout. C.H.R.Y.S.E.I.S. joue une musique sophistiquée et ouverte aux expérimentations (sans être avant-gardiste pour autant). La basse ronflante et groovy à la Di Giorgio y tient un rôle prépondérant, et la diversité des techniques guitares/basse/batterie employées et mises au service de la musique permettent d’obtenir des textures particulières. Les parties atmosphériques et d’ambiance font quant à elle partie intégrante de notre musique en participant à rendre notre musique immersive et notre album, je l’espère en tout cas, captivant.

Pensez-vous vous démarquer des autres groupes de death métal actuels, votre death étant assez moderne et original ?

Sebh: Se démarquer des groupes actuels, oui, tout du moins d’une très grande majorité. Par contre je ne pense pas qu’on puisse qualifier notre musique de moderne au vu de ce qui se fait à l’heure actuelle. On est plus dans un coté old-school très « thrash death 90’ ».

Jey: Le concept est moderne mais la musique ne l'est pas tant que ça finalement...

Omnio : Ta question est intéressante dans la mesure où cela nous semble paradoxal d’être considérés comme un groupe « moderne » alors que nous puisons majoritairement nos influences dans des groupes des 90’s! De plus nous nous revendiquons d’un son typé « Morrisound » par opposition au son death suédois plus moderne de la scène de Göteborg. Nous ne prétendons pas inventer quoi que ce soit, (l’utilisation des basse-synth et guitares-synt qui participe à notre signature musicale par exemple a déjà été fait il y 15 ans sur « Spheres » de Pestilence). Quand au fait de nous démarquer, je dirai que notre musique sera certes difficile à appréhender par les néophytes. Nous ne pouvons pas être assimilés aux groupes de techno-death qui donnent dans la démonstration technique, la rapidité ou la brutalité. Simplement notre identité musicale est très marquée et est reconnaissable en dépit de notre prod un peu « cheap ».

Uruk-Xul : Old school ne veut pas dire « basique ». En ce qui nous concerne ce terme exprime davantage un son et un état d’esprit (dont nous ne sommes que les dépositaires). Le besoin de reconnaissance de beaucoup de groupes quelque soit le style dans lequel ils officient est souvent un frein à leur créativité et car cela limite la prise de risques et les empêche de s’aventurer hors des sentiers battus. Nous n’avons pas ce problème, car C.H.R.Y.S.E.I.S. reste un groupe underground qui vend peu d’albums et dont la base-fan est constituée d’une poignée d’individus aux quatre coins du globe.

Quelles sont vos influences musicales ? (ou autre que musical).

Omnio & Uruk-Xul : en vrac, liste non exhaustive bien sûr! Niveau musique: "The Key" et "Tresholds" de Nocturnus, "Focus" de Cynic, "A vision of Misery" "Elements of Anger" et "Out for Blood" de Sadus, "Unquestionnable Presence" et "Elements" d’Atheist, "No More Colors" et "Mental Vortex" de Coroner," La Masquerade Infernale", "The Sham Mirrors" et "Sideshows Symphonies" d'Arcturus, "Killing Technology", "NothingFace" et "Angel Rat" de Voivod, "Testimony of the Ancients" et "Spheres" de Pestilence, "The Music of Erich Zann", "The Principle of Doubt" et "Dances of Death" de Mekong Delta, "Written in Waters" de Ved Buens Ende, "A Sceptic's Universe" de Spiral Architect, "Energetic Disassembly" et "Control and Resistance" de Watchtower, "Tribes" et "Sadist" de Sadist, "Human", "Individual Thoughts Patterns" et "Symbolic" de Death, "Genesis" et "Unorthodox Creative Criteria" Coprofago, mais aussi Gordian Knot, Aghora, Martyr, Morbid Angel, Immolation, Scarve… Sinon Lovecraft, H.G Giger… niveau batterie Stewart Copeland, Dave Weckle, Steve Flynn, Richard Christy, et surtout Sean Reinert (Cynic).

Nous avons la chance d'avoir sur Planet Dead des invités issus de nos plus grandes influences: Mike Browning de Nocturnus et Kaj Kornitzka de Spiral Architect, ainsi que Jérémy Durin notre confrère de Dungortheb défenseur du Death-thrash technique dans l'héxagone depuis de nombreuses années.
Nous sommes imprégnés également des civilisations précolombiennes Aztèque, Maya et Inca, de dessins animés qui ont marqué notre enfance telles que "Les Mystérieuses Cités d'Or" ou "Ken le Survivant", des films des jeux vidéo également... Beaucoup trop d'influences digérées pour pouvoir les citer toutes mais qui constituent la richesse et la profondeur de C.H.R.Y.S.E.I.S. qui fait office de catalyseur.

Sebh: Niveau musical, tout ce qui passe à porté d’écoute est une source d’inspiration, que ce soit dans le metal ou bien dans des styles diamétralement opposés. Il y a de bonnes choses à prendre partout, ce serait dommage de s’en priver. Bien sûr il reste des groupes qui restent vraiment très présents dans mes influences comme Cynic, Decrepit Birth ou Meshuggah pour ne citer qu’eux.

Jey: Devin Townsend, Forbidden, Meshuggah, Soilwork, Opeth, Cynic, Fear Factory etc... Le cinéma SF et horreur.


Avez-vous un message à faire passer à travers votre musique ?

Jey: Je ressens simplement le besoin de partager la passion de la musique.

Sebh: Nous essayons de développer une ambiance qui donne à l’auditeur la possibilité de s’évader dans un monde différent, un peu plus lourd et oppressant, mais qui lui permette vraiment de voyager. C’est ensuite à lui de s’approprier notre musique en fonction de son expérience et de son humeur du moment.

Omnio: Je souhaite que l’écoute de nos albums soit vécue par l’auditeur comme une expérience « mystique », comme un stimulant de l’imaginaire.

Uruk-Xul : Des thématiques aussi variées que l’exil, la nostalgie, l'aliénation les voyages astrals mais également la cybernétique, la résistance et le combat, les désastres nucléaires, les mutations génétiques sont abordés dans nos textes, avec un côté "écolo" et "new age" (même si çà fait cliché) qui tend à dénoncer l'arrogance égocentrique, la cupidité ainsi que la soif de domination de l'homme... Contrairement à ce que l'on peut penser, nous ne sommes pas un groupe nihiliste et nous ne prônons pas la haine, celà n'a d'ailleurs jamais été le cas. Simplement parfois nous sommes dans une colère noire ce qui se ressent dans certains titres.

Un thème récurrent également est celui de la résistance à l’oppression (quelle qu’elle soit) ce concept est universel et colle bien à la musique « metal ». Le combat contre l’oppression religieuse et l'obscurantisme notamment est une constante, le pouvoir spirituel (la religion) n’ayant de cesse depuis l’apparition des civilisations d’étendre son influence sur le pouvoir temporel (la politique). Je ne souhaite toutefois pas donner une orientation idéologique à cette notion de résistance à l’oppression (qui est polymorphe)au sein du groupe, ainsi je laisse chacun mettre ce qu’il veut derrière, en fonction de ses convictions, de son vécu et de sa sensibilité.


Si vous le pouviez, avec quels groupes voudriez-vous jouer ?

Sebh: S’il devait n’y en avoir qu’un, ce serait Cynic sans hésiter. Mais les concerts n’étant pas au programme pour le moment, c’est pas pour tout de suite. (rires)

Jey: Cynic, Atheist, Devin Townsend etc...

Si vous avez quelque chose à dire, c’est à vous…
Jey: Nous sommes déjà en train de travailler sur notre 3ème album et ça va envoyer du lourd!

Sebh: J’espère que les personnes qui auront l’occasion d’écouter l’album prendront autant de plaisir à le faire que nous en avons eu à le composer et l’enregistrer. Et on vous donne rendez-vous pour le prochain chapitre des Chroniques de Gaia.

Omnio: Il devrait s'avérer plus complexe et expérimental que "Planet Dead" et s'intitulera "Uchronies From Beyond".

Uruk-Xul : Certains médias et certains "systèmes" cherchent à nous enfermer dans la médiocrité, ne laissez rien ni personne vous forcer à abandonner vos rêves… Merci à toi et Pavillon666 pour cette interview!