1. Salut Vaerohn! "Pensées Nocturnes" est un projet où tu es seul maître à bord. Peux-tu nous parler un peu de ton parcours?

Je n’ai en toute honnêteté rien de bien palpitant à raconter concernant ma personne. Excepté quelques années de piano trop vite oubliées, je n’ai jamais suivi de formation particulière ce qui m’a poussé à approcher la musique seul, que ce soit pour la composition, l’interprétation ou le travail du son. Malgré une naïveté probable c’est une démarche intéressante par l’originalité qui en découle contrairement à une formation au conservatoire dont on sort trop conditionné par exemple. La guitare est mon instrument de prédilection et n’est jamais bien loin lorsque je travaille. Son adaptabilité en fait la compagne idéale pour explorer toutes sortes de genre et m’a permis de ne pas m’embourber dans une fange stylistique spécifique. J’ai épisodiquement participé à quelques projets Black, Death et Blues sans grande prétention et j’évolue actuellement dans Valhôll (Black Metal Pagan) avec qui nous avons fait la première partie du Cernunnos Pagan Fest en décembre dernier.


2. On sent derrière "vacuum", qui est le premier album, une forte
culture musicale! Comment t'es venue l'idée de mêler musique classique
et black-metal?

C’est un résultat assez naturel en soi. Mais je profiterais en premier lieu de cette question pour préciser que Pensées Nocturnes n’a pas la prétention de s’inscrire dans un genre aussi prestigieux qu’est la Musique Classique contrairement à ce qui peut se dire un peu partout. Les structures sont beaucoup trop simples pour cela. Et pour rebondir là-dessus, je ne compose pas avec l’idée de m’approcher ou de mélanger tel et tel style mais bien de coller au mieux à ce que je cherche à exprimer. Le Black Metal aborde avec efficacité un certain nombre de ressentis mais souhaitant en élargir le spectre il fallut inexorablement passer par l’apport d’une certaine diversité, apport qui se développe de plus en plus à l’heure actuelle.
Je ne m’impose donc aucune limite stylistique et nul ne sait à quoi ressemblera le futur de Pensées Nocturnes. Je reste néanmoins lucide et conscient que ce projet n’est pas révolutionnaire, s’inspirant des genres avec lesquels j’ai des affinités, mais ces influences sont très diverses. Ma démarche musicale n’a en effet que faire des généralités et je tiens à privilégier le cas par cas plutôt que classer les artistes dans cages stylistiques. D’où le fait que l’on rencontre une certaine multiplicité dans les sonorités à travers ce projet.



3. La démarche musicale de ton projet est quasi cinématographique dans
le sens où parfois l'auditeur semble être face à la B.O. d'un film!
Quels sont tes goûts en la matière (compositeurs mais aussi réalisateurs)?

Je suis ravi que tu ais observé ce point car chaque morceau suit une évolution temporelle précise que l’on pourrait assimiler à un scénario. Je suis par ailleurs en train de travailler sur quelques projets de BO et le prochain album qui, même si je ne peux encore trop rien affirmé, sera beaucoup plus rythmé et moins linéaire. A vrai dire ma culture cinématographique est beaucoup trop limitée pour éviter de passer pour un guignol. J’éviterais donc de trop débattre sur le sujet. J’apprécie énormément l’œuvre de Danny Elfman et John Williams qui est clairement pour moi la référence dans le domaine. La complexité et la recherche que l’on trouve dans son travail font qu’on est bien loin des pérégrinations assommantes d’un Hans Zimmerpar exemple… Mais je préfère laisser la parole aux adeptes.


4. je trouve le visuel très réussi...peux-tu nous en toucher quelques mots?

Ce design est l’œuvre d’Asphyre.s pour la cover et d’Alex-xxx pour le lay-out qui travaillent tout deux sous la structure 3-Crosses. Ils ont réussi avec brio à mettre une image sur un projet pour lequel il n’était pas évident de créer une identité visuelle. Ce paysage urbain dépeuplé est le témoignage du fait que le Black Metal peut être la représentation d’une vie moderne, de ce malaise contemporain qui prend forme au milieu des tableaux sordides de béton. La ville, archétype même de ces pulsions humaines de mort que l’on nomme progrès et aboutissement, agglomérat d’individualités égoïstes et hébétés dans leur routine absurde. Je suis vraiment satisfait de leur travail qui rentre dans la démarche du projet et apporte une certaine originalité à « Vacuum ».



5. Au milieu de l'album il y a un morceau très "bluesy" qui dénote
totalement de l'esprit Black-Metal, est-ce un choix délibéré pour faire un pied de nez à une scène qui manque souvent d'ouverture d'esprit?

Contrairement à toi je trouve que la mélancolie du Blues se marie parfaitement avec les ambiances qui ponctuent « Vacuum ». Pour reprendre la question sur la « Musique Classique », c’est plus une démarche naturelle qu’une intention gratuite de provoquer. Il m’arrive régulièrement de passer des soirées à improviser avec des amis, ce genre de moment où vous êtes si transporté que la linéarité du temps perd toute signification. C’était un clin d’œil qui allait de soi pour moi.


6. Tu utilises de véritables instruments (piano, violon, cor,
clarinette...), l'enregistrement n'a pas été trop difficile?

J’ai procédé de la manière dont j’ai toujours abordé la musique : en tâtonnant. J’ai évidemment pu bénéficier de conseils de gens du métier et ce n’est pas un mécanisme qui m’était totalement inconnu mais ce fut ma première expérience d’enregistrement d’album. Pour répondre à ta question ce fut plus intéressant que laborieux. J’ai la chance d’être entouré par un grand nombre de musiciens ce qui me donne accès à un grand nombre d’instruments et de matériel (salle insonorisée etc…) mais pour être honnête et au risque de te décevoir je n’ai pas réussi à trouver tout ce dont j’avais besoin pour passer à côté de la simulation. Comme dit précédemment j’évite à tout prix de m’imposer des contraintes particulières et ce ne sont clairement pas des considérations pécuniaires qui dictent mon processus de composition. J’essaie ensuite de matérialiser au mieux ces idées avec les moyens à ma disposition.

7. Quels sont tes coups de coeur du moment ?

En matière de Metal j’ai plus été déçu que conquis récemment (Funeral Mist, Peste Noire) mais je viens de découvrir le dernier Ad Hominem et c’est une véritable tuerie (malgré le fait que j’ai en général du mal avec tout ce qui est industriel). J’écoute aussi pas mal le split Deathspell Omega/S.V.E.S.T. en ce moment. Pour parler d’autres genres je me suis intéressé de plus près à Floyd Dixon, Jimmy Scott et Django Reinhardt ces derniers jours.


8. "Vacuum" signifie "vide" je crois, c'est pas joyeux tout ça! Es-tu
quelqu'un de foncièrement désespéré comme semble l'être ta musique ou
possèdes-tu le recul suffisant pour ne pas tomber dans ce "vide"?

Je prendrais le problème à contre-pied. C’est la réflexion, le retour sur soi, le recul si tu veux, qui m’ont amené où j’en suis aujourd’hui. « Vacuum » fait référence au vide qui caractérise l’existence pour peu que l’on prenne le temps d’écarter le voile d’illusions et d’espoir futile qui embrume l’esprit. Ce manque de réponse quant à notre condition, notre entêtement à survivre sans jamais trouver de justification propre à chacun de nos actes. Que m’apporte de te répondre en ce moment ? Est ce que prendre le temps de m’interviewer te paraît fondé ? Excepté le fait que cela te permet de faire passer le temps justement. Ce soir pourras-tu te convaincre que ce que tu accomplis aujourd’hui rentre dans une logique existentielle précise ?
Mais pour en revenir à ta question la musique prend assez aisément ce rôle du voile et s’inscrit paradoxalement dans la démarche de « ne pas tomber dans ce "vide" ».


9. On te laisse conclure en te souhaitant une bonne continuation avec
ce projet!

Merci à toi d’avoir pris le temps de mener cette interview et d’avoir accordée une oreille à Pensées Nocturnes. Bonne continuation à Pavillon 666.