1) Salut DECADENCE, quel line-up se cache derrière ce nom de groupe, qui êtes-vous ?

- Bonjour. Decadence est à la base 2 personnes : Louis Stenger à la batterie et moi même aux guitare et chant. C'est sous cette forme réduite que nous avons passé plusieurs années à naviguer entre notre Corrèze natale et Limoges. Je jouais déjà dans plusieurs groupes, et avec Louis qui faisait ses études au Mans il nous était difficile de prévoir des créneaux fixes pour répéter.
Nous nous sommes ainsi retrouvés à squatter furtivement des locaux de répétition inoccupés, à des heures souvent tardives, et dans le plus parfait anonymat vis à vis des associations qui géraient les dits locaux. Ca créait une ambiance tout à fait particulière, sombre, d'autant plus qu'à Limoges la plupart des locaux sont situés dans d'anciennes manufactures de porcelaine, de vieux immeubles courts sur pattes plus ou moins délabrés aménagés à la punk, et on a profité de ces moments volés pour mettre en place une dizaine de morceaux, sans trop savoir où on allait, sans savoir pourquoi... on le faisait parce qu'on en avait envie, et sans doute par nécessité : Decadence c'était notre instant de liberté, l'exutoire de toutes nos frustrations, la scène de toutes les drames, la page blanche sur laquelle sont écrits tous les livres interdits de ce monde.
C'est ça qu'on en a fait car c'est ce dont nous avions besoin. Les compositions devenant de plus en plus tourmentées je n'ai rapidement plus pu assumer le poste de chanteur, et à la suite de l'essai de plusieurs hurleurs c'est Michaël Ratinaud qui s'est imposé le plus naturellement pour interpréter le rôle d'Equarisseur. C'est lui qui nous a fait rentrer dans notre actuel local, et le bassiste Laurent Dujardin s'est proposé de nous accompagner à l'issue de notre premier concert. Il n'est malheureusement pas resté après l'enregistrement du 3titres, et c'est maintenant Pascal Duperron qui le remplace.

Le choix de l'inviter fut très simple car Pascal, qui avait auparavant enregistré en tant que bassiste de session le morceau "L'appel du voyage" pour la compilation French Metal volume4, sans pouvoir s'investir davantage faute de temps, venait de quitter son groupe de metal post hxc Erlen Meyer.


2) Vous venez de sortir une démo 3 titres de brutal death, en êtes vous pleinement satisfaits ?

- Non. Quand nous avons enregistré cette demo, nous n'avions pas tout à fait le niveau de notre ambition. Certains passages sont un peu approximatifs dans l'exécution, pas assez incisifs. Le son est trop synthétique, on a fait avec les moyens du bord, et même si nous réécoutons aujourd'hui ces morceaux avec plaisir, il est probable que nous les réenregistrions dans l'avenir.


3) Pourquoi cette volonté de nous offrir des textes, assez recherchés, en Français ? En sera-t-il de même pour la suite ?

- Et bien aucune volonté particulière ne nous a poussé à présenter ces chansons en français. J'écris des poèmes depuis que je sais me servir d'un stylo, et je n'ai jamais été assez assidu pendant les cours de langue étrangère pour prétendre écrire un texte de qualité ne serait-ce qu'en anglais... Si tu dis que tu trouves les textes recherchés, et bien tant mieux, car je fais tout mon possible pour qu'ils soient interessants ! Il est vrai que contrairement aux autres styles "normaux" de musique, les paroles des textes de metal ne sont souvent juste qu'un prétexte à grogner et n'ont parfois aucun sens. Le metal est né dans les pays anglosaxons, et peut-être que nous français ne nous sommes jamais assez penchés sur des textes que nous comprenions mal, car on ne s'est globalement passionnés que pour les instrumentations, en n'accordant aux textes qu'une importance secondaire (Des cris rythmiques plus ou moins puissants).

Au point que certains groupes, comme nos collègues limougeauds de Golhbut, préfèrent faire leur death metal de manière instrumentale plutôt que d'ajouter d'ineptes cris basiques qu'ils jugent souvent superflus dans le style. Même si ces groupes font figure d'ovnis, ou offrent une musique que certains jugent inaboutie, leur démarche me semble lucide et humble. Quand on a rien à dire il vaut mieux se taire non ? Plutôt que de dire n'importe quoi pourvu que ce soit gueulé... Decadence ne fait donc rien d'autre que de simples chansons "à l'ancienne".
Les thématiques qui me sont chères sont le dépassement de soi, le combat pour la liberté, l'éveil de la conscience. Equarisseur était au départ mon pseudo pour signer les textes les plus violents, que ma condition de petit blanc issu d'un milieu rural tranquille me permettait difficilement d'assumer. Et au fil du temps, il est devenu le personnage qui incarne la transformation de la frustration en liberté, de l'animal en homme, comme si le monstre de Lautréamont se rendait compte qu'il n'est pas seul et avait pour destin d'inventer une société où lui et ses semblables pourraient s'épanouir. Pour la suite, ce sera comme sur le 3titres un mélange des "aventures" d'Equarisseur et de textes plus mystérieux et symboliques.
Quant à la langue, nous envisageons parfois d'internationaliser certains textes, mais il nous faudra un traducteur talentueux, et j'avoue être assez attaché à ma langue natale pour vouloir conserver une majorité de textes francophones sur nos morceaux.


4) Qui fait quoi pour les compositions. Est-ce que tous les membres du combo participent, et de quelle façon ?

- Et bien je compose les lignes de guitare chez moi, et on les bosse ensuite au local avec Louis et Pascal, qui composent leurs parties au fil des répétitions, avec toute leur sensibilité particulière. Quand l'instru est en boîte, je sélectionne dans ma réserve le texte qui me semble le plus approprié, et on établit le placement avec Mich.



5) Pensez-vous rester "confinés" dans un style, ou alors, allez-vous incorporer d'autres éléments à votre musique par la suite ?

- En fait, on ne se sent déjà pas "confinés dans un style". Tu parlais tout à l'heure de brutal death, et je ne l'ai pas relevé, mais nous ne nous situons pas vraiment dans cette scène. On pourrait dire que notre mixture thrash-death se permet des progressions de violence jusque dans la brutalité, mais en fait aucun de nous n'a de volonté de coller à un style particulier. Nous ne sommes pas des puristes, bien au contraire. Nous cultivons un désir d'exception, c'est à dire que nous souhaitons donner ce qui nous est absolument personnel. La musique est une rencontre; quand tu mets un disque chez toi, c'est comme si le groupe t'invitait à passer un moment dans son studio, dans son local, et même carrément dans sa tête.

Imagine qu'une personne que tu rencontres ne te parles qu'avec des phrases qu'il a pêchées exclusivement dans ses dialogues passés, avec ses amis ses collègues ses professeurs ou même ses héros. Combien de temps vas tu apprécier son parcours, aussi brillant soit t'il, avant de regretter de ne pas pouvoir dialoguer avec lui. Combien de temps vas tu mettre à te rendre compte que ce pauvre monsieur parle tout seul ? Ce que je trouve motivant dans la rencontre, c'est l'interaction personnalisée, et c'est ça qu'on essaie de mettre en musique. Nos chansons doivent être une rencontre originale et interactive. Ca peut sembler paradoxal de parler d'interaction d'un disque avec un auditeur, mais ça ne l'est pas.

Tous les medias sont des hallucinogènes, et modifient en profondeur la conscience du spectateur. C'est même nous que notre musique transforme en premier, elle nous porte et nous fait évoluer, et nous dialoguons avec elle quand nous la jouons ou l'écoutons. Ensuite une musique métissée, hybride, expérimentale, est plus à même de créer ou réveiller des connexions originales dans le paysage mental créé par l'auditeur durant l'écoute, c'est ça qui crée cette fameuse interactivité. Au delà de l'argument psychologique, on constate aussi régulièrement dans le genre humain des manifestations de télépathie, au moins sous une forme métaphysique sensible, et je me plais à espérer que le paysage mental évoqué par notre son, cette émotion, cette reconfiguration spontanée du réseau neuronal de l'auditeur, je me plais vraiment à espérer que cette chose singulière trouvera toujours un chemin jusqu'à nous. Les pensées n'ont pas attendu ni un dialogue physique ni internet pour dialoguer, ce qui nécessite que nous soyons comme tous reliés à une espèce de metaconscience.

Chaque membre du groupe est profondément ouvert et attentif à ce réseau, puisque nous privilégions tous le metissage et un esprit de fusion. Pour répondre plus concrètement à ta question, il est donc probable qu'on remette en place des orchestrations electro-classiques comme nous l'avions fait sur la version précédente de "L'appel du voyage", et globalement, et au risque de me répéter, on fait avant tout des chansons, et de la musique au sens large, avant de faire du "metal". Il ne serait donc pas inenvisageable que nous produisions à l'avenir des morceaux acoustiques futuristes, ou des paysages électroniques primitifs.


6) Au départ, qui vous a influencé le plus, dites-nous tout !

- Et bien il est difficile de répondre à cette question. Je crois que les influences sont plus faciles à identifier pour quelqu'un d'exterieur au groupe. Par contre je peux te dire ce que nous écoutions plus jeunes, et qui nous aura marqué et passionné : Hendrix, les Doors, Pink Floyd, beaucoup de musique classique, NIN, Sepultura, Ministry, Korn, Deftones, Pantera, Metallica, Morbid Angel, Paco de Lucia, Gorguts, Nostromo, Machine Head, Emperor, Blut Aus Nord... Sur le plan spirituel, mes auteurs de prédilection sont Ducasse, Baudelaire, Dantec, Artaud, Leary, Narby, Burroughs...


7) Quel sont les groupes de métal qui vous impressionnent le plus actuellement ,

- Euh là aussi c'est dur d'être exhaustif, car pour des boulimiques musicaux comme nous ce genre de question pourrait vite tourner au catalogue... mais les premiers qui nous viennent en tête sont Meshuggah, Converge, Akercocke, DHG, Necrophagist, Mayhem, Behemoth et Origin.


8) Vous avez sûrement plein de projets (album, tournées...), Quels sont-ils ?

- Et bien pour l'instant on est en préprod pour faire un maxi que nous enregistrerons en juillet/aoüt. Ca nous prend beaucoup d'énergie, et on ne voit pas vraiment plus loin. Nous esperons pouvoir le diffuser assez largement, et qu'il nous permette de trouver des concerts, car c'est la scène que nous privilégions justement dans la volonté de rencontre et de partage dont je te parlais tout à l'heure.


9) Enfin, nous vous laissons carte blanche pour terminer cette petite interview, allez-y de bon coeur !

- Réveillez vous, devenez ce que vous auriez du être, partagez, ouvrez vous l'esprit, développez votre réseau social, aimez vous, faites l'amour, battez vous, entraidez vous, ouvrez grand vos yeux vos oreilles et vos chakras et soyez attentifs aux signes. Croyez à l'impossible!