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MISANTHROPE |
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Mise en ligne le : 08 décembre 2008 | Intervieweur :
Martin
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Interview avec S.A.S. de l'Argilière (vocals) lors du concert à la Chimère du 9 novembre 2008 1) Pour commencer, pourquoi avoir choisi ce nom de groupe, assez radical et lourd de sens? - Ca remonte à assez longtemps, j'ai choisi ce nom de groupe en 1988, je voulais un nom qui sonne en français et en anglais, qui représente le metal extreme puisqu'à l'époque j'étais adolescent et je voulais quelque chose de très dur comme tous les adolescents. Donc j'ai choisi Misanthrope grâce à l'étude de Molière au lycée comme tout le monde, ça a été une révélation. 2) Donc, déjà à cette époque-là tu étais fan de littérature? - Bien sûr, de toute façon j'avais dix-huit ans à cette époque-là. J'ai commencé à lire très tôt. Je pense que l'écriture c'est comme la musique ça fait rêver, c'est pas figé comme à la télévision et au cinéma. Pareil pour la peinture ou la danse, c'est des oeuvres où il y a plus de sens et chacun peut imaginer ce qu'il veut. J'ai aimé lire, les mots surtout. 3) T'as commencé à lire à quel âge? - Comme tout le monde, forcé par la prof de français (rire) en sixième et finalement j'y ai pris goût, rapidement j'ai lu Baudelaire, Molière et j'ai vu qu'il y avait des choses radicales, excessives et depuis j'essaie de me cultiver au maximum possible 4) Au niveau de vos influences, c'est très large, la technicité est très poussée, les paroles bien travaillées, est-ce que vous vous considéreriez comme perfectionnistes? - Ouais je pense que c'est ça Misanthrope, enfin on veut faire les choses bien. On veut surtout pas se foutre de la gueule du monde et on est conscients, parce que ça fait longtemps qu'on est dans le circuit, qui si on veut être toujours vivants en 2008 il faut s'adapter à la qualité des nouveaux groupes : au niveau de la technique, du son et des compositions. On veut toujours garder l'esprit de Misanthrope en le complétant, en allant de l'avant et en travaillant énormément. Plus que perfectionnistes on est travailleurs en fait. 5) J'ai quand même envie de rebondir sur la première question, la misanthropie, la haine de l'être humain, est-ce que c'était uniquement dans la recherche de l'extrême ou est-ce que tu ressentais vraiment de la haine envers l'être humain? - En fait j'ai souvent parlé plus jeune des phases de la misanthropie comme on retrouve avec Alceste le héros de Molière. Il y a quelque chose de séduction comme quand lui veut séduire Célimène donc il reste parmi les autres et il veut séduire celle qu'il aime, donc c'est un peu ce qu'on fait en concert, et puis après il y a une phase plus radicale il se replie et il part loin des autres, seul, et on en est pas encore là quoi. Et c'est vrai que de toute façon tout est lié effectivement. Je pense que dans la haine d'autrui, on recherche un meilleur ailleurs, une espèce d'utopie de vie rêvée. C'est un peu ce sens que je donne à la misanthropie. Parce que même dans l'oeuvre de Molière, le misanthrope c'est un antisocial mais séducteur donc forcément il rentre dans la société. 6) Ce soir était la dernière date de l'IrremeDIABLE Tour, quel bilan est-ce que tu tires de cette tournée? - C'est énorme, on est sur un petit nuage, tous les soirs, ça fait dix jours, on avait fait une quinzaine de dates éparpillées à partir de la sortie de l'album jusqu'aux gros festivals Hellfest et Summer Breeze, et donc là on est partis avec Nohellia sur la route et on a fait dix dates de suite enchaînées avec un seul arrêt. Tu sais quand tous les soirs c'est "Misanthrope! Misanthrope!" sur tous les morceaux, tu parles avec les gens, t'es un peu sur une autre planète, je suis très content, le bilan est extrêmement positif! 7) Et pour ce soir? - Super! c'est le Nord! (rire), ben t'as vu ça a été super réceptif. Je pense qu'il y a une vraie communion avec le groupe, de toute façon les gens nous suivent, même s'il y a toujours des gens nouveaux qui viennent nous voir, c'est un peu ce brassage-là et on ressent, quand on fait de nouveaux morceaux ou d'anciens morceaux, l'attitude du public et c'est très intéressant. Et selon les villes ça réagit mieux, sur les morceaux du nouvel album ou les classiques, c'est très étonnant. 8) Tu pourrais me donner des exemples par rapport à ça? - Il y a des villes où on connaît que les vieux morceaux et quand on fait les nouveaux ils regardent et sont contents mais quand on joue les classiques comme "Bâtisseurs de cathédrales" par exemple c'est l'émeute quoi, c'est la joie, c'est cool de procurer de la joie je pense... pour un misanthrope. 9) Est-ce que ça te touche de voir des très jeunes en concerts qui crient "Misanthrope"? - C'est vrai que Misanthrope est un vieux groupe qui n'est pas un vieux groupe. On voit tout le temps des jeunes, 16-17-18 ans, des nouveaux qui nous ont découvert avec IrremeDIABLE et qui rattrapent leur retard. C'est formidable, si on arrive à garder la base et se développer auprès des jeunes, c'est pas donner à tout le monde. 10) Pour des musiciens, être à la fois un vieux et un jeune groupe, c'est un peu un idéal. - Je suis très content, je n'ai pas de frustration par rapport à la musique, on sait qu'on fait une musique extrême et underground, on se donne tous les défauts pour rester dans un public d'initiés et fervents. On a le public qu'on mérite et c'est super. 11) Avec un album dédié à Baudelaire, qu'aimerais-tu dire aux gens qui pensent que le metal est une musique d'incultes et de dégénérés? - Qu'ils ont raison (rire). 90% c'est ça. Il n'y a pas de textes, pas d'écriture... sur la masse! Les gens ne lisent jamais, ils ne savent pas quoi raconter. J'ai du mal à être convaincu par beaucoup de choses, je trouve que c'est trop facile de faire un disque maintenant, avec des bouts de ficelles, trois riffs pompés à droite et à gauche, ça a vraiment perdu l'âme. Je veux dire j'avais 16 ans quand est sorti Master of Puppets, Reign In Blood... chaque album qui sortait, même de glam ou de heavy metal on se prenait des claques dans la gueule, maintenant les disques qu'on reçoit c'est pas mal ok... on passe à autre chose. J'ai beaucoup de mal, à peut une ou deux exceptions annuelles à trouver un truc qui me fait dire "ouais là y'a vraiment quelque chose de radical, de radicalement nouveau qui marque son époque". Pourtant y'a des sons bons, mais jamais je ne retrouverai les sentiments que j'ai ressenti quand j'ai écouté ces albums-là à leur époque. Y'a trop de choses, c'est saturé, c'est dommage et ça perd en qualité. Il y a énormément de choses faites à la va-vite, c'est dommage et trop de sorties de toute façon. Le marché du disque, c'est l'abondance, la surproduction. Moi, ça ne m'intéresse pas, moi ce qui m'intéresse, c'est être bluffé par un disque, la création artistique pure. Je sais qu'il y a beaucoup de camarades qui travaillent dur sur leur disque mais est-ce qu'ils travaillent dans le bon sens? Quand t'entends dire qu'un disque a une durée de vie de trois semaines... Moi, IrremeDIABLE j'en vends tous les soirs, c'est des trucs qui marquent, et je vends du 1666... Théâtre Bizarre, du Libertine Humiliations, du Sadistic Sex Daemon, je veux qu'il y a une continuité dans les oeuvres. Et les grandes oeuvres, les classiques, les Master of Puppets, les Maiden et j'en passe, c'est des trucs qui se vendent constamment. Aujourd'hui on arrive plus à trouver des classiques, un disque il est chouette pendant trois mois, ou trois semaines et après c'est passé à la trappe. 12) Tu me parles de chefs-d'oeuvre, tu me parles aussi de Molière et Baudelaire, on dirait que ce qui te tient à coeur est l'oeuvre aboutie et qui dure dans le temps. - J'ai fait un album sur l'immortalité, et dans Misanthrope ce que je recherche c'est l'oeuvre ultime de toute façon, c'est l'immortalité, c'est marquer son époque, même si je n'y arriverai jamais. C'est l'aboutissement total, c'est pérenniser quelque chose. 13) Finalement est-ce que ce n'est pas ça l'art, devenir immortel? - Ouais tout à fait. C'est une grande question. Il y a un côté mystique dans Misanthrope, on est surexigeants les uns envers les autres dans le groupe et à l'extrême, le dépassement de soi c'est vraiment quelque chose qui m'intéresse. Je ne fais plus de disque depuis longtemps juste pour faire un disque, et je parle aussi au nom de mes collègues, on veut vraiment avoir une empreinte, un style, mélanger le passé et toujours apporter des petites touches nouvelles tout en gardant la cohésion musicale. 14) À ton avis, pourquoi est-ce qu'on assiste à un regain d'intérêt envers le metal extrême? - C'est typique, le grunge va bientôt revenir, là c'est même le retour du glam-rock, la musique est cyclique, on aime ce qui nous a fait grandir et on aime les adaptations de ce qui nous a fait grandir. Je ne sais pas pourquoi est-ce qu'il y a des retours, je pense que les gens sont hyper nostalgiques, et ce qu'on appelle les melomanes, ceux qui consomment du disque par amour, pas pour les mettre sur leur mp3 ont des phases nostalgiques très importantes dont je fais partie aussi. Et je pense que c'est selon les années, c'est vraiment cyclique. J'ai connu l'explosion jusqu'à la fin en 93-94 où c'était une honte de faire du death-metal tellement tous les sujets avaient été dépassés, et puis là c'est vrai que tu vois vers 2000-2008 : "ouais le death metal c'est fantastique", il y a eu un creu énorme, sept, huit ans où il y avaient des productions mais c'était pas "hype" de faire du death-metal. Et c'est pareil pour le thrash, on est en retour au thrash 80 c'est incroyable! 15) Beaucoup de gens pensent que c'est parce qu'on a exploré énormément de choses et qu'il y a un manque d'inspiration. - Le manque d'inspiration, j'en reviens, il est sur la surabondance de produits. Le problème maintenant c'est que tout le monde a sa chance, ce qui est une bonne chose, mais ce qui déboussole complètement l'auditeur et le fan de metal. 16) Tu penses que cette surabondance est dûe à internet? - De toute façon internet c'est la révolution depuis 5 ans. Tout ce qui est lié au marché du disque vient d'internet, maintenant t'as plus besoin de vendre qu'un seul disque qui soit en téléchargement illégal et le monde entier peut l'avoir sans payer. Depuis le passage du vynil au CD on passe à une ère complètement nouvelle, le problème pour les maisons de disque et pour les artistes c'est qu'il n'y a plus de rémunération donc ça va être un gros problème pour la créativité artistique. Des années très noires s'annoncent. Si on coupe la base, c'est-à-dire la maison de disque qui finance les studios, les groupes, les droits d'auteur, le support des concerts, les affiches, les stickers, si tu tues ça, ce qui est en train de se passer, on va faire ça avec des bouts de ficelle quoi. 17) Est-ce que tu ne penses pas que des maisons de disque ont abusé et se sont fait de l'argent sur les artistes? - Faut arrêter de délirer avec ça, on parle de metal extrême pas de Universal, il faut arrêter de fantasmer sur les millions gagnés par des maisons de disque. Je ne connais aucun label indépendant, je connais beaucoup de gens, c'est mon métier, ça fait énormément d'années que je fais ça. Des gens ont bien gagné leur vie, ce sont des grosses boîtes mais c'est pas la surabondance quoi. Et si ça a marché, c'est parce qu'il y a eu du travail et que ça leur est tombé dessus au bon moment mais de toute façon beaucoup d'argent a été réinjecté dans la production. J'ai bien connu les années 90 et l'argent était dépensé. Faut arrêter de croire que les maisons de disque se sont enrichies sur le dos de pauvres artistes et des clients. Je ne vois pas pourquoi on doit détruire les maisons de disque parce qu'elles ont alimenté tout un réseau artistique. 18) Il faut avouer qu'il y a un grand écart entre la facilité du téléchargement et le prix d'un cd qui vient de sortir, qui tourne autour de 20€. - Quand j'avais 15ans, un vynil ça coûtait 88F, dans les années 85 c'était énormément d'argent, bien plus que 20€, en rapport à la vie en France il y a 20 ans. Donc faut arrêter de se lamenter, c'est pas ça le problème. Je ne connaîs personne qui peut avoir sa baguette gratuite il va aller acheter du pain chez le boulanger, faut pas se mentir, faut pas se voiler la face. Beaucoup de gens me disaient "le metal on est tous unis, on est tous derrière" mais finalement dès que pas mal de gens ont pu tout pirater... De toute façon Mylène Farmer qui passe d'un million et demi à trois cent cinquante mille albums c'est dur, mais un pauvre groupe underground qui vend quatre mille et qui maintenant en vend six cent, il ne peut plus, le prochain il ne le fera pas. C'est alarmant! 19) Mais ça pourrait développer des petits labels alternatifs... - Ouais! c'est-à-dire encore moins vendre! vu qu'il y a moins de moyens. On est dans un schémas cataclysmique qui s'enfonce. 20) Est-ce que t'as envie de rajouter quelque chose? - Merci pour l'interview, très culturelle, c'est formidable et j'espère que t'as passé une bonne soirée. |
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