CHRONIQUES ALBUMS

La scène Est-Européenne n’est certainement pas la plus médiatisée et la plus représentative dans le milieu du metal extrême. Pourtant certains groupes méritent qu’on s’y penche un peu plus en profondeur. Inferno fait indéniablement parti de ces combos peu connus du « grand » public de la scène underground mais ô combien talentueux. Fondé en 1996, les tchèques d’Inferno n’en sont clairement pas à leur coup d’essai, puisque le groupe en est déjà à son sixième album avec ce « Omniabsence filled by his greatness » et a à son actif plusieurs démos, EP, splits, compilations et lives. Une bonne dizaine de musiciens se sont succédé dans la formation qui n’est composée que de trois membres originels.

Inferno pratique un black metal proche de ses homologues suédois, leur précédent album « Black devotion » (2009) possédait les riffs efficaces et les ambiances des productions scandinaves. Sorti via Agonia Records (tout comme son prédécesseur) en septembre 2013, « Omniabsence filled by his greatness » est très différent de la précédente œuvre d’Inferno. Produit dans le fameux Necromorbus Studio en suède, la sixième offrande des tchèques nous délivre un black metal plus atmosphérique où les ambiances lorgnent vers le psychédélique notamment par les guitares aux réverbérations très planantes. Autre grand changement : les morceaux sont beaucoup plus longs (en moyenne 8 à 10 minutes), les structures et les mélodies sont complexes et varient régulièrement de tempi.

L’album rappelle tour à tour des formations comme Setherial période « Nord » (1996) avec les morceaux alambiqués, très élaborés et épiques ou encore Darkspace pour les ambiances occultes et cosmiques, les morceaux extrêmement longs, les instruments et la voix très en retrait. « Omniabsence filled by his greatness » est un disque d’une magnificence profonde. Les morceaux sont d’une intensité phénoménale. Bien que l’ensemble de l’album soit très homogène et très dense, le groupe n’est pas parti dans l’ambiant mollasson, et propose une musique très agressive et sombre. Le vocaliste nous gratifie d’un chant rauque venu des profondeurs abyssales. Les effets réverbérés et la mise en retrait volontaire du chant accentuent le côté très froid et occulte de la musique. Les guitares très aériennes d’Inferno sont très proches de ce que peut proposer Darkspace. Bien que le rapprochement avec le trio suisse soit inévitable, Inferno possède tout de même un univers qui lui est propre. L’extrême profondeur de « Omniabsence filled by his greatness » en fait un album très difficile d’accès. Il faudra plusieurs écoutes attentives pour déceler tous les petits détails et arrangements subtils d’un travail de composition des plus exigeants. Malgré tout, on perd le côté efficace présent sur l’album « Black Devotion », mais Inferno a voulu créer une œuvre plus intense où la persévérance dans l’écoute et l’imprégnation du mysticisme de son black metal sont nécessaires si l’auditeur veut pénétrer l’univers glacial et sombre des tchèques.

Malgré la complexité des structures et les longs passages répétitifs, « Omniabsence filled by his greatness » n’ennuie pas un seul instant lors de ses 50 minutes de black metal atmosphérique et occulte. L’album est certes difficile d’accès et certains amateurs de black metal plus immédiat n’y trouveront sûrement pas leur compte. Mais pour peu qu’on s’y penche avec attention, ce sixième album d’Inferno invite à pénétrer un univers sombre, cosmique, brutal mais non dénué de mélodies prenantes. Un album passionnant touchant du bout des doigts la cime des cieux les plus obscurs !