CHRONIQUES ALBUMS

BORGNE... L’œil était dans la tombe...
Un cinquième album déjà, et pourtant je découvre (avec un grand plaisir mêlé d'angoisse) ce "royaume des ombres", progéniture infectée du multi-instrumentiste suisse Bornyhake. Guitares, chant, batterie, basse, claviers et un soupçon de violoncelle, tels sont les instruments à sa disposition pour concocter ce bel album de Black Metal atmosphérique, sorti par le label québécois Sepulchral production.

L'album commence avec une piste d'Ambient de cinq minutes... Tant mieux, j'avoue que je commençais un peu à me lasser de ces soit-disant introductions de trente secondes qui n'apportent rien mais qui se répandent comme un virus sur toute une flopée d'albums... A l'inverse, cette piste introductive remplie parfaitement son rôle : elle met dans l'ambiance. C'est sombre, inquiétant, oppressant. Pendant ces cinq minutes, on a le temps de se préparer à l'écoute du reste : arrêter ce qu'on est en train de faire, fermer les volets, allumer les bougies, éventuellement se recroqueviller dans un coin, en attendant de se laisser totalement recouvrir par la brume qui sort lentement des enceintes.

Quand le morceau "suffer as I paid my grave" démarre enfin, avec cette batterie pesante et ces riffs qui ont finalement pris forme, on y est déjà, au royaume des ombres, et bien placé pour en apprécier le charme haineux et misanthropique. La batterie est martiale, froide et précise, les riffs de guitares, au tremolo picking rapide, lacèrent l'espace de leurs pouvoirs hypnotiques. Le chant black de Bornyhake est torturé, inhumain, fielleux. Des chœurs mystiques nous fascinent. A l'arrière-plan de ce black metal atmosphérique tel que BURZUM sait (savait ?) le faire, des touches de Black Indus qui, loin de nuire à la beauté majestueuse de l'ambiance, en accentuent le caractère oppressif et sombre – en particulier dans le morceau "the last thing you will see", avec ses rythmes militaires et cette guitare électrique qui vous étouffe.

A l'autre bout du spectre de ce "Royaume des ombres", le titre "All these screams through me" commence avec une introduction acoustique et le violoncelle, sur un bruit d'eau qui court, qui rappelle l'atmosphère panthéiste d'AGALLOCH, et, après quelques sursauts de désespoir, on se laisse envahir par cette mélancolie jusqu'aux dernières minutes, superbes, et qui culmine dans un crescendo très émouvant ! Un vrai petit bijou.
Haine, désespoir, mélancolie... Dans cet album les sentiments se déclinent avec une force très convaincante. Pas de second degré, Bornyhake est diablement sérieux. Pas de démonstration technique superflue, chaque instrument, chaque son de l'album est tout dévoué au service de l'atmosphère.

Une bien belle découverte, pour moi, que ce groupe ! Les fans de Black Metal ne devraient pas être déçus par cet album. Si le Black Metal est avant tout une question d'atmosphère, BORGNE a tout à fait compris son sujet. Laissez-vous hypnotiser sans crainte par cet œil unique!