CHRONIQUES ALBUMS

Encore des nouveaux venus sur la prolifique scène progressive européenne, j'ai nommé Appearance of nothing, qui nous arrive tout droit du pays des Ricola, la Suisse. Dans un « progressif mais pas trop », le quintet nous offre aujourd'hui son premier album, « Wasted time ». Je sais que toi, ami lecteur, tu te demande si cette nouvelle rondelle apporte du sang neuf ou se contente d'enfoncer des portes ouvertes. Et bien, rien que pour toi, visite guidée.

Tout d'abord, Appearance of nothing, si l'esprit progressif est bien là, privilégie clairement l'efficacité et l'aspect abordable de sa musique. Une chose révélatrice: seuls deux titres dépassent les 6 minutes, les suisses sont vraiment à la limite du qualificatif « progressif ». Les titres possèdent pour certains des structures relativement fouillées et des passages instrumentaux recherchés comme sur la trilogie « The science of light »(où les influences de Dream theater ou Symphony X se ressentent bien), mais le but ici n'est pas de proposer des morceaux à rallonge aux complexes ramifications, mais bien d'écrire de vraies chansons, directes et identifiables avec un sens mélodique et une accroche quasi immédiate. «Man in the mirror » ou « Wasted time » possèdent à cet effet des mélodies et des lignes de chants très catchy, et il faut bien l'avouer, particulièrement réussies. AON possède même un certain don pour dégotter le refrain ou l'harmonie vocale qui marque la mémoire.
Cet album m'a souvent fait penser, et ça n'est pas pour me déplaire, à Savatage. L'utilisation fréquente de mélodies de piano au dessus des riffs de guitares et les quelques passages piano/voix rappellent immanquablement le groupe des frères Oliva. D'autant que l'un des deux chanteurs possède un timbre de voix un peu éraillé qui évoque par moment celui de Jon oliva (c'est flagrant sur « The last song », une sorte d'outro piano/voix qui semble sortie d'un album de Savatage). J'aborde là ce qui me semble être la caractéristique qui pourrait permettre à AON de se démarquer à l'avenir, l'utilisation des deux chanteurs, parfaitement complémentaires. Celui dont j'ai déjà parlé, à la voix quelque peu rocailleuse et qui n'hésite pas à tâter du growl de temps en temps est secondé par un autre chanteur à la voix plus claire, plus mélodique. Il est étonnant d'entendre à quel point les deux se complètent sans se couvrir, même lors des duos. Aucun des deux ne semble prendre le dessus, et aucun ne se cantonne dans un registre ou une ambiance particulière. Chaque composition tire vraiment le meilleur parti de leur deux voix en toute fluidité, c'est assurément la marque de fabrique du groupe, qui leur permettra à l'avenir de peut être ressortir du lot.

Si leur metal progressif direct et abordable souffre encore d'influences trop marquées et d'un petit manque de prise de risque, Appearance of nothing possède par contre un talent de composition particulièrement savoureux et l'utilisation de deux vocalistes leur donne une véritable personnalité. En travaillant cette personnalité, le combo suisse pourrait faire très mal à l'avenir, très très mal. En attendant, « Wasted time » procure suffisamment de plaisir pour ne pas s'en priver.