CHRONIQUES ALBUMS

Blut Aus Nord est, de par sa misanthropie médiatique, une entité atypique et il serait inepte d’en douter. A mille lieux du conformisme ambiant et autres clichés abjects popularisant le Black Metal, les Français ont opté pour une démarche artistique dont bien de groupes actuels devraient s’inspirer. Une oreille attentive et un tant soit peu analytique ne pourra que bénir l’arrivée d’un sang neuf dans un paysage musical agonisant, tant il est saturé.

Animée par un besoin perpétuel d’évolution, l’approche conceptuelle de Blut Aus Nord n’est pas sans rappeler les incessantes pérégrinations du génie Ulverien. "Mort" se présente une nouvelle fois comme une œuvre difficile d’accès, les explorations sonores du groupe et cette recherche atonale si particulière pousseront le néophyte dans le fossé de l’incompréhension. En effet, il faut admettre que ce traitement si singulier des sonorités exige des dispositions cognitives suffisamment affûtées afin de pouvoir se délecter de ce travail ô combien jouissif. Brumeux à l’infini dans l’expression, troublant voire effrayant et étouffant par la mise en place d’ambiances privées de toute luminosité, "Mort" est une terre de désolation où tout souffle organique serait proscrit.

Musicalement, on peut se risquer à une affiliation avec Axxis Of Perdition et Spektr pour la parenté thématique, In Slaughter Natives pour cette texture indus incantatoire et Sophia pour l’aspect Dark Ambient. Il est vain de poursuivre mon travail d’investigation car dans le cas présent, il ne s’agit pas d’appréhender cet album comme le fruit d’un travail musical mais comme l’accomplissement d’une expérience sonore. Il est toutefois utile de mentionner le soin apporté à la production, à ces voix déchirées dénuées d’humanité et à l’organisation des motifs pour que tout ceci soit, malgré sa densité, relativement digeste.

Avec cette œuvre de l’esprit, Blut Aus Nord confirme son statut de formation insaisissable et s’installe confortablement sur le trône des musiques extrêmes d’avant-garde et savantes. La dissonance au service d’une pensée nihiliste pour l’esquisse chaotique d’une humanité malade et si c’était cela, l’essence du Black Metal ?