CHRONIQUES ALBUMS

Écumant les eaux noires des océans de la mélancolie depuis maintenant plus de trois décennies, les légendes incontestées du doom metal My Dying Bride n’ont eu de cesse de distiller dans le cœur de leur public, pour son paradoxal plus grand plaisir, l’affliction et le désespoir dont ils imprègnent leur musique. Ce dessein se poursuit et les Britanniques présentent, en ce printemps 2024, leur déjà quinzième album : « A Mortal Binding ».

Si l’on retrouve sans surprise tous les éléments caractéristiques de la musique de My Dying Bride dans ce disque, le groupe ne s’aventurant que rarement hors des sentiers qu’il a tracés au cours des dernières années, celui-ci n’en demeure pas moins intéressant. L’album s’ouvre sur la menaçante « Her Dominion », avec sa langoureuse introduction dont la répétition du riff, perdant en hauteur à chaque occurrence, donne l’impression d’être tiré à chaque fois plus profondément dans un oppressant abîme. Une seconde de silence laisse place et renforce l’impact des hurlements d’Aaron Stainthorpe qui viennent briser la monotonie du rythme. On retrouve le pattern de l’introduction à plusieurs reprises au cours de la chanson, alternant celui-ci et la voix démoniaque du chanteur, avant de finalement les combiner. Un titre sans aucune voix claire, très évocateur du style des débuts du groupe et des premiers Paradise Lost, dont la lenteur exacerbe l’angoisse qu’il porte, auquel le violon de Shaun Macgowan vient ajouter une touche d’élégance lugubre.

« Thornwyck Hymn » et « The 2nd of Three Bells » sont deux pièces dans la plus grande pureté du doom mélancolique. Cette dernière, particulièrement, instille une atmosphère pesante de tristesse désespérée que l’on traverse au gré du mélodieux chant clair de Stainthorpe et de la lourdeur des guitares jusqu’à une interlude de brutalité dont se délecteront les inconditionnels de death metal, renforçant le sentiment de désespoir alors que le morceau revient sur le rythme qu’il avait jusqu’alors ; My Dying Bride dans toute sa splendeur.

« Unthroned Creed », à l’instar des deux titres précédents, dégage une vibe très gothique avec ses parties de chant presque parlé et ses quelques chuchotements, mais reste un peu monotone et traîne peut-être légèrement en longueur (même pour du doom metal), là où la monumentale « The Apocalyptist » et ses presque onze minutes et demie revient saisir l’auditeur avec une tourmentante agressivité dont la noirceur ne fait qu’intensifier la beauté. Et ce violon..! Une merveille de composition.

Comme une synthèse de l’album, on retrouve dans « A Starving Heart » et « Crushed Embers » tous les éléments caractéristiques du disque. À ce stade, certains auront peut-être un peu de mal à rester accrochés, mais les adeptes du genre y trouveront une superbe conclusion.

« A Mortal Binding » est une très belle addition à la discographie déjà conséquente de My Dying Bride. Peut-être parfois un peu prévisible, on y retrouve les éléments doom, death et gothiques constitutifs de l’essence du groupe dans un jeu de contrastes, habilement maîtrisé, qui renforce l’intensité et la profondeur du disque. Un incontournable pour tous les fans du genre !