CHRONIQUES ALBUMS

Il est de ces groupes dont l'art semble s'offrir à nous très rapidement au travers d'une illustration ou d'une étiquette banale avant même d'avoir poser une oreille sur leurs œuvres. Cliché, banalité, tels pourraient être les adjectifs survenant à l'esprit du nanti à la vue de la pochette de la deuxième offrande des anglais de A FOREST OF STARS et de l’appellation Black Folklorique leur collant de trop près à la peau, réduisant leur style à une simple expression au final sans grande signification. Et pourtant, fort d'un album ayant eu peu de reconnaissance mais dont les faibles retours furent plutôt élogieux, les revoici avec ce nouveau méfait intitulé "Opportunistic Thieves Of Spring", confirmant leur concept étrange dans sa forme mais original dans son fond tout en le hissant à un niveau de maturité certain en la présence d'une sortie de qualité.

Imaginez-vous un instant dans une petite bourgade de l'Angleterre puritaine. Votre vie suit un cours paisible, vous et votre famille êtes pieux et vivez loin du péché ou de toute forme d'outrecuidance. En revanche, chaque soir, vous et vos concitoyens vous sentez comme possédés, sans même savoir pourquoi et une fois la nuit tombée vous partez dans la forêt commettre des actes tabous en l'honneur d'une entité qu'il vous est interdit de prier.
Habituez-vous à cette pensée car la musique que nous offre A FOREST OF STARS est à mi-chemin entre le voyage dans le temps et le Black Metal atmosphérique prônant parfois un aspect pagan dans sa forme et ce paysage transparaîtra bien souvent à l'auditeur ayant connaissance du concept du groupe.

Pas de ligne directrice bien définie, peu de points de repères au sein des six pistes de ce deuxième album prônant l'évolution avant tout. Dès l'arrivée de "Sorrow's Impetus" le voile s'abat, déroutant au premier puis charmant l'oreille grâce à ses nappes instrumentales peu conventionnelles. Les riffs sont incisifs et raw, la batterie témoigne d'un jeu typiquement Black Metal et l'ambiance est purement occulte (pour le genre...). La superposition des lignes de guitare permet la fatidique évolution vers les parties de violon renforçant l'impact lugubre de la chose tout en lui incorporant une once de mélodie païenne, elle-même ponctuée de flûte. Tout est une question d'évolution et c'est fort bien réussi, le groupe tirant sans conteste son épingle du jeu grâce à cet attrait.

Une évolution qui est la pièce maîtresse de toute l'heure d'écoute, du début brutal de "Raven's Eye View" laissant vite place à l'ésotérisme de la partie centrale du morceau, la voix torturée de Mister Curse étant le point d'orgue de l'action autour du riffing déstructuré pour une vraie ode à la folie. Impossible également de ne pas parler du début burlesque de "Summertides' Approach" proche des musiques folkloriques de l'Est se détachant de tout ce que l'on connaissait précédemment ou du long final "Delay's Progression" assez proche du registre gothique, marquant un énième changement d’appréhension de la part de l'auditeur en ce dernier moment d'écoute. Toutes ces variations ne plairont certainement pas à tout le monde, c'est certain et on notera pour compliquer le tout plusieurs moments dispensables au sein des longues compositions comme pour l'introduction de celle sus-citée. Néanmoins c'est une atmosphère authentique qui se dégage de tout ceci et l'effort demeure louable pour une jeune formation qui ne semble pas recevoir la reconnaissance qu'elle mérite.

A FOREST OF STARS signe donc ici un retour efficace et envoûtant, confirmant leur style de tantôt tout en élevant encore plus leur concept vers quelque chose de vraiment intense si l'on se prête au jeu. En parler plus longuement serait vous gâcher le plaisir, mais si vous n'avez pas peur de tout ce qui sort des sentiers battus alors écoutez au moins une fois cet album, vous vivrez quelque chose.